Retard de langage, trouble sévère du langage ou dysphasie ?

Un retard de langage constitue, par définition, un simple décalage chronologique des acquisitions.

Dans le cas d’une dysphasie, il y a dissociation entre les performances lexicales et les performances syntaxiques, très souvent déficitaires : « l’enfant parle en phrases courtes et maladroites, en style « télégraphique », omettant les pronoms, les propositions, les petits mots, utilisant les verbes à l’infinitif comme des substantifs ».

Les étapes du diagnostic

1re étape : le diagnostic différentiel
On devra éliminer toute autre pathologie mentale, ORL (surdité), psychologique, neurologique ou autre.
Vos interlocuteurs pourront être : un médecin généraliste ou un pédiatre (mais la plupart d’entre eux n’ont pour l’instant pas de formation spécifique). Il faut alors s’approcher d’un neuropsychologue ou d’un médecin spécialisé (pédopsychiatre, neuropédiatre, neurologue), qui devront avoir une approche des troubles complexes du langage. Ces spécialistes travaillent en libéral ou/et dans des centres référents (voir centres de diagnostic).

2e étape : l’orthophoniste
Dès lors qu’un parent s’inquiète du développement langagier de son enfant, il convient de consulter un spécialiste du langage : l’orthophoniste. L’orthophoniste aura un rôle prépondérant en temps que « spécialiste de la rééducation des troubles du langage ». Attention, tous les orthophonistes ne sont pas spécialisés dans la démarche diagnostique de la dysphasie.

En premier lieu, l’orthophoniste va effectuer un bilan de langage ; ce bilan ne vous engage pas, il est consultatif. Il permet à l’orthophoniste de donner un avis sur la communication de votre enfant, sur un plan quantitatif et qualitatif.

Le diagnostic établi pourra vous rassurer par rapport à vos interrogations ou confirmer la nécessité d’une prise en charge orthophonique. Contrairement à une idée très répandue, un bilan peut s’effectuer avant l’âge de quatre ans. Chez le très jeune enfant (avant trois ans), l’orthophoniste a un rôle de prévention et son intervention prend la forme d’une éducation précoce et guidante parentale : conseils pratiques et entretiens avec l’enfant et ses parents ou sa famille d’accueil.

Après trois ans, une rééducation individuelle peut s’envisager. Mais cela peut aussi se faire sous la forme d’une rééducation collective (plus ludique pour le jeune enfant, et en sachant que la rééducation individuelle durera de nombreuses années, voire jusqu’à l’âge adulte). Certains orthophonistes préconisent une rééducation à partir de l’âge de 5 ans, au moment où l’écrit se met en place, car l’apprentissage du langage écrit aide à la production du langage oral.

Le bilan se déroule de la façon suivante :

  • entretien préalable avec la famille : il permet de tracer l’histoire de l’enfant, la suspicion des troubles, leur évolution, le développement général de l’enfant, l’existence éventuelle d’antécédents familiaux…
  • épreuves du bilan : en présence ou non de la famille, en fonction de l’âge de l’enfant et des habitudes du praticien.

Seront administrées des épreuves de compréhension lexicale et syntaxique, des épreuves d’expression en distinguant l’articulation, la phonologie et le langage (syntaxe, vocabulaire, etc.).

D’autres capacités seront également explorées : rétention auditive et visuelle, discrimination auditive, conscience phonologique, organisation spatiale, repérage temporel, etc. A l’issue du bilan, la nature des difficultés, le degré de sévérité des troubles, les éléments recueillis au cours de l’entretien, permettront à l’orthophoniste d’établir un diagnostic de retard de parole-langage (trouble fonctionnel) ou de dysphasie (trouble structurel).

Il ne sera pas toujours possible de poser clairement un diagnostic dès le premier bilan. Si tel est le cas, il sera proposé :

  • soit une rééducation sur un temps donné (environ 6 mois) ; un second bilan de contrôle, au terme de ces séances, permettra de préciser les observations premières. L’orthophoniste pourra alors réaliser d’autres tests neuro-psychologiques afin d’affiner le diagnostic (ce n’est pas son travail)
  • soit une consultation chez un médecin spécialisé (médecin de rééducation, neuro-pédiatre, médecin compétent en neuropsychologie) pour des examens complémentaires. Une rééducation va s’organiser au terme du bilan, quand elle est jugée nécessaire. (ça doit être fait avant d’aller chez l’ortho, d’ailleurs on dit ci-après qu’il faut une prescription médicale)

Il est parfois conseillé d’envisager des examens complémentaires avec bilans psychologique et psychomoteur, afin d’envisager le projet thérapeutique le mieux adapté pour une prise en charge globale. (ce doit être fait avant l’ortho)

Données pratiques :

Le bilan orthophonique est effectué par l’orthophoniste lui-même, sur prescription médicale. Il convient donc de consulter préalablement votre médecin, afin qu’il établisse l’ordonnance du bilan.

Le bilan dure en moyenne 1 h-1 h30. Aussi, il est souhaitable que l’enfant soit en forme, car cela lui demandera beaucoup d’énergie.
Il coûte 56,88 € (honoraires conventionnés) et est remboursé à hauteur de 60% par la caisse d’assurance maladie et 40% par la mutuelle. L’acte est pris en charge à 100% pour les familles bénéficiant de la CMU. Des facilités peuvent être accordées par les caisses pour vos déplacements au cabinet de l’orthophoniste. Contrairement aux séances de rééducation, le bilan ne nécessite pas l’accord préalable de la Sécurité Sociale.

Les centres de diagnostic

Des centres référents sont réputés pour leurs compétences dans les domaines des troubles des apprentissages. Ils regroupent des équipes pluridisciplinaires capables de proposer une évaluation complète de l’enfant et des propositions pour la prise en charge.

Vous pouvez consulter la liste des centres référents des troubles spécifiques du langage :

Le psychologue clinicien ou le pédopsychiatre

Lors d’un diagnostic de dysphasie, le psychologue intervient au sein de l’équipe pluridisciplinaire pour évaluer la présence ou non de troubles du comportement et/ou de la personnalité, mais aussi pour rechercher les difficultés psychiques éventuelles pouvant entraver le développement de l’enfant ou son adhésion à la rééducation.

Quand l’enfant est porteur d’une dysphasie, et à certains moments de sa vie, un travail psychothérapique peut être réalisé pour soulager certaines de ses souffrances.

Cette indication paraît nécessaire s’il présente des symptômes témoignant de cette souffrance, tels que : anxiété, tristesse, inhibition, phobies, troubles du sommeil, troubles sphinctériens, troubles relationnels, tics, compulsions de répétition, etc.

Cette forme de travail qui nécessite un réel investissement, n’est vraiment utile que lorsque la famille et l’enfant sont prêts et disponibles, à la fois sur le plan pratique et psychique. Comme les autres suivis, cet accompagnement apporte des bienfaits, même légers, dans les premiers mois ; dans le cas contraire, ou si les séances sont mal vécues par l’enfant, il convient de s’attarder sur les raisons de cette absence d’évolution et sur la relation entre le professionnel et l’enfant.
Par ailleurs, les parents peuvent également tirer bénéfice d’un suivi psychologique pour eux-mêmes. Le psychologue les aide alors à cheminer dans l’acceptation de la différence de leur enfant, de ses difficultés, du parcours de soin auquel ils participent, et à soulager la culpabilité souvent présente. En faisant le «deuil de l’enfant parfait», ils peuvent avoir plus de joies avec leur enfant, être fier de lui sans lui demander de correspondre à un idéal trop exigeant. Ce suivi, en apportant de la détente aux parents, permet aussi d’éviter la cristallisation de toute la famille autour du trouble.

Interview de Brigitte Bernion, psychologue clinicienne, psychothérapeute, psychanalyste, membre adhérent à la SPP (Société psychanalytique de Paris), membre de la SEPEA (Société Européenne pour la Psychanalyse de l’Enfant et de l’Adolescent). Son modèle de référence est la psychanalyse.
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